Éparpillés

Moi, ce n’est pas la solitude qui me pèse, c’est l’absence de toi. Ça laisse plein de souvenirs éparpillés un peu partout, dedans et dehors, que je ramasse un à un, jour après jour …

En silence, seule dans une brume à peine éclairée, je dépose dans un lieu étrange des morceaux de nous, figés sur la trame du temps. Trop souvent, encore, je m’y attarde. C’est là où je me réfugie quand des moments se font plus pesants, comme des attentes interminables qui s’effritent inlassablement.

Je m’y ballade pour me réchauffer devant le brasier dévorant de nos ardeurs, de nos désirs inavouables et fougueux. Je m’assois quelques instants dans la ronde de nos délires d’où j’entends l’écho de nos fous rires qui dansent tout autour de moi. Par endroits, il flotte le parfum des marrons chauds, de la confiture de carottes et du thym dans la colline. Et là-bas, perdu dans cette forêt immense à l’odeur forte de terre et des fougères, repose sur des lichens un tronc d’arbre au creux duquel j’ai déposé nos rêves. On raconte qu’un amour impossible entre une elfe et un prince vivrait toujours, caché au plus profond de ces bois. On dit qu’il est infini et qu’il a le pouvoir de retrouver toutes les passions égarées. Qui sait…

J’ai jeté des mots froissés, j’ai trouvé un vase asséché sur le bord d’une fenêtre et des soupirs qui traînaient là. J’ai feuilleté tout plein de bons moments, oubliés au fond d’un vieux tiroir.

J’ai colorié des pages de notre histoire avec des toujours et des jamais. Elles sont parsemées d’étoiles de promesses, peuplées de chuchotements. Des arbres de tendresse s’abreuvent d’une existence aux saveurs sucrées. Ça et là, des arcs-en-ciel de joie, des éclats de sourires, des étincelles de complicité, et quelques taches de café.

Des pages que j’ai tournées, annotées, que j’ai lues et relues, jusqu’à ce point qui devient final quand les mots ne s’écrivent plus.

C’est alors que, au détour d’une pensée, j’ai aperçu mon cœur, recroquevillé sous le poids de la tristesse, tremblant, esseulé. Je l’ai enveloppé de mes bras pour le réchauffer et le réconforter, il s’est blotti et je l’ai porté délicatement pour l’emmener avec moi vers ces horizons gorgés de soleil.

Je ne serai peut-être plus cette bête curieuse et sauvage qui t’amuse avec ses idées pour sauver le monde. Je ne serai peut-être plus cette femme avec cette folle envie d’un nous. Je ne suis plus cette petite fille qui pleure devant l’abandon.

Je sais que je ne dois plus t’aimer.

La fin d’un chapitre, mais pas de mon histoire.

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